Ca ne se passe pas que dans les films...
Ca ne se passe pas que dans les films...
Effectivement, on a beau regarder les Experts, New York Unité Spéciale, et toutes les séries américaines, quand ça nous arrive, on pense à beaucoup de choses... Bientôt 6 mois que nous sommes ici, 6 mois, et le temps défile à une allure folle.
Aujourd'hui, une sensation bizarre, un sentiment qui nous fait froid dans le dos. Pour reprendre l'histoire depuis le début, et vous comprendrez vite: Cela faisait quelques jours, peut-être même depuis la semaine dernière... Une odeur bizarre a commencé à se faire sentir sur notre pallier. Odeur qui allait et venait, mais qui ne semblait concerner que notre étage qui compte cinq appartements. Puis un bruit. Continu. Un bruit qui ressemblait étrangement à une veille télé cathodique qui ne capte pas et dont l'écran diffuse de la neige ... Je ne sais pas si ici, New York est passé au "tout numérique".
Mais les radiateurs font tellement de bruit (vapeur et tuyaux qui tapent) que ce bruit aurait tout aussi bien pu être le radiateur du voisin.
Odeur et bruit allant , venant.... On fait parfois des remarques, tout haut ou dans sa tête.
En rigolant mais après coup, n'y pensait - on pas un peu?!
Un soir en rentrant des courses, le bruit dé télé m'intrigue et je demande à Monsieur Caribout si ce bruit ne peut pas être celui d'une télé "neigeuse"... Il me dit que non comme se demandant d'où cette idée saugrenue pouvait bien sortir... Et c'est là que pour la première fois, le pire traverse mon esprit... "Je ne sais pas, imagine que le voisin est décédé et que la télé tourne dans le vide, d'habitude j'entends les infos à travers la porte" lui ai-je dit sur un ton amusé (mais pas trop) Le sourire de Monsieur Caribout m'ôte cette idée de la tête. Passant une partie de mes journée à l'appartement, il m'arrivait parfois d'entendre mon voisin se mouvoir (dans la salle de bain principalement) . Mon voisin, un grand monsieur grisonnant, la soixantaine bien sonnée, très certainement agoraphobe, pour l'avoir croisé à trois reprises dans la cage d'escaliers, tétanisé à l'idée de croiser mon regard. Pas très causant pour résumer car je n'ai jamais entendu le son de sa voix pour répondre à mon "hello" enjoué. Puis cette odeur parfois nauséabonde, parfois très discrète mais toujours présente , de plus en plus persistante.
Cette odeur me fait me poser réellement la question "mais si ça se trouve, il est arrivé quelque chose au voisin...?" que je balaie par d'autres pensées. Mais non, les autres voisins que je croise ne me parlent pas de l'odeur, ne semblent pas intrigués... Je n'ose pas toquer à la porte du voisin car s'il a peur du monde, il n'ouvrira pas... Je reprends donc mes activités quotidiennes. Jusqu'à aujourd'hui. Nous sommes sortis pour l'après midi et Monsieur Caribout est rentré avant moi. Il s'est inquiété car nous nous étions séparés et en arrivant devant l'immeuble, une ambulance et la police étaient là. Un policier lui dit qu'il est arrivé quelque chose au troisième étage (notre étage) , il s'inquiète car étant partis chacun de notre côté, il n'avait pas réussi à me contacter depuis. (les joies des magasins en sous-sol)
Notre voisin , 72 ans, est décédé.
Les allers/venues des policiers, ambulanciers et médecins légistes ont ponctué la soirée. Des miaulements ont attiré mon attention vers l'oeilleton de la porte. J'y ai vu des policiers emmenant le chat du voisin. Appeuré. Nous avons vu partir les véhicules après avoir embarqué le corps de ce pauvre homme qui est resté chez lui seul pendant tous ces jours sans que personne ne se soit inquiété de lui. Mourir seul.
Aurions-nous pu faire quelque chose? Pourquoi n'ai-je pas décroché mon téléphone et appelé le 911? Pourquoi?
Ca n'arrive pas que dans les films. Mais quand ça nous arrive, que faisons-nous? Qu'aurions-nous pu changer à cette situation?
Ce soir: plus d'odeur, plus de bruit.
J'aurai une pensée pour ce pauvre monsieur dont je me moquais gentiment en le croisant dans l'escalier. Je penserai à lui par une petite prière pour que son âme s'en aille en paix. R.I.P .
Ce sont les vivants qui ont besoin des vivants.
« Etre seul, c’est s’entraîner à la mort. »
